By the way... || Sadjia

Ses pieds nus flirtaient avec la surface solide du pavé usé de la ville de Qishan. Karnerën y était parvenue un peu plus tôt dans la journée et puisqu’elle n’avait encore jamais mis les pieds ici, elle avait entreprit de faire un petit tour des environs, afin d’abreuver sa soif de découverte, entamer il y a un peu plus d’un an. Oh, elle savait pertinemment qu’elle ne resterait pas, c’était plus que certain, mais l’envie de satisfaire sa curiosité était plus forte que tout ; alors elle avançait, sans se poser davantage de questions.

L’ambiance était au beau fixe. Tout le monde courrait à droite, à gauche, et hurlait pour faire la promotion de tous leurs produits sur les étals bien fournis des marchands. Son tigre marchant à côté d’elle faisait tout de même s’écarter la foule animée sur son passage mais elle ne s’inquiétait pas. Miro, malgré les apparences, était habitué à la foule. Il n’était ni nerveux ni mal à l’aise dans ce genre d’endroits puisque ce n’était pas la première fois qu’il y mettait les pattes pour suivre la jeune femme qui lui servait de Maîtresse. De plus, il lui obéissait au doigt et à l’œil, donc même si la semi-Fanalis comprenait le mouvement de recul des mères avec leurs enfants à leurs approches, c’était tout ce qu’il y avait de plus inutile. Il n’attaquerait pas si elle ne lui ordonnait pas ou si elle n’était pas en danger de mort. C’était difficile à comprendre comme ça, mais il demeurait être un animal extrêmement intelligent et savait pertinemment que la rougeâtre saurait se défendre seule, dans une certaine limite du moins. Jusque-là, il n’agirait pas. Il se devait d’être un parfait acolyte et non un fardeau.

Puis au détour d’une allée, une musique atteignit les oreilles de Karnerën et elle ne put résister à l’envie de grimper sur un tonneau tout proche, se mettant ainsi à mouvoir ses hanches ainsi que son buste dans une harmonie parfaite, en synchronisation totale avec les notes jouées. Son animal se coucha derrière, patientant qu’elle est terminée son œuvre purement décidée sur un coup de tête et ferma les yeux. Il avait un peu de temps avant qu’elle ne veuille repartir, c’était à chaque fois pareil dès qu’elle se mettait à danser. C’était comme si elle était en transe et que rien ne semblait pouvoir l’arrêter.

Son sourire se destinait à n’importe qui ans la foule et illuminait son visage encore un peu poupon. Elle était magnifique. Une beauté rare perdue dans ce monde de décadence, n’est-t-il pas ? Les badauds qui prenaient le temps de s’arrêter pour la voir se produire un peu applaudissaient parfois tandis que certains jeunes enfants s’essayaient à l’imiter, sans grand succès malgré tout. Mais Karnerën, cela la faisait rire et transformait cette journée banale en magnifique souvenir pour elle, qui savait bien que chaque heure pouvait très bien être sa dernière.

Et puis le charme s’évanouit et on la fit violemment descendre du tonneau avec l’aide d’une corde qui vint prendre l’un de ses poignets en otage. Miro se rebiffa et feula mais elle le tint à l’écart, avec une voix douce et pas le moins du monde effrayée. « Reste en arrière, ça va, je ne suis pas blessée. »

La bête n’appréciait pas mais elle ne pouvait lui désobéir. La bâtarde examina alors ce qui se trouvait juste en dessous de sa dextre. Un nœud coulant. Et ça paraissait solide, en plus de ça. Tiens, que se passait-il donc ? Elle n’eut guère longtemps à réfléchir puisqu’un homme richement vêtu arriva, dispersant par la même occasion la population. Il lorgna d’une manière perverse sur le corps splendide de l’immigrée et déclara, tout en passa une langue avide sur ses lèvres pècheresse :

• « Nous avons une magnifique prise aujourd’hui, ahah !
  -Qu’est-ce que ça veut dire ?
  -Que je ne pouvais rêver mieux que d’attraper une Fanalis pour en faire mon esclave ! Je vais te vendre à prix d’or toi.
  -Je suis ton esclave ?
  -Maintenant oui.
  -D’accord. »

Il parut surprit, comme tout à chacun, mais ne fit pas davantage de commentaire et fit se relever la rougeâtre qui, suivit de son tigre de prés, ne ressentit nulle crainte. C’était sa philosophie, avancé quoi qu’il advienne. Elle était esclave pour le moment ? Soit, elle composerait avec ce petit contretemps, ce n’était pas bien grave.

Spoiler:

Ses grands yeux bleus fixaient la scène qui venait de se dérouler sous ses yeux avec un étonnement non feint. Tiens, une personne s’était interposé entre elle et l’apparent marchant d’esclave. Et dire que jusque-là, personne n’avait daigné bouger. Non pas que ça ait surpris Karnerën, mais la demoiselle ne s’attendait tout simplement pas à recevoir de l’aide, aujourd’hui. C’était tellement imprévu qu’elle ne sut pas quoi en penser. Dans sa grande naïveté naturelle, elle observa la scène attentivement, alors que la corde autour de ses poignets venait d’être tranchée d’un coup d’épée sec. Miro ne se fit pas prié pour venir débarrasser sa maîtresse des ficelles qu’il lui restait entre autour de ses dextres jointes.

La bâtarde ne comprenait pas. C’était donc mal, d’être une esclave ? Elle qui ignorait encore presque tout de la vie, il lui restait beaucoup à apprendre, et la notion de bien et de mal se trouvait en pôle position pour son apprentissage. L’agitation commençât à se faire sentir et elle en eut un peu assez. Elle voulut partir. Mais pas parce que cette inconnue l’avait mis en garde – à vrai dire elle n’avait écouté qu’à moitié ce qu’elle lui avait dit – au contraire, parce qu’elle avait déjà envie de partir à la découverte de d’autres horizons. A bien y regarder, cette ville, bien que grande, n’était pas un tel kaléidoscope que ça. Les mêmes scènes se reproduisaient encore et encore à tous les coins de rues. Et ça, ça n’intéressait pas la rousse. Pas du tout. Il lui fallait de la nouveauté en permanence.

Quelle aurait bien pu être sa destination prochaine ? Elle y réfléchit en portant une main à son menton, se donnant sans le vouloir un air de femme cultivée, alors qu’il n’en était rien. Elle évita de justesse un coup d’épée qui aurait pu lui trancher la tête d’un seul geste. Heureusement que son tigre l’avait poussé. C’est là qu’elle réalisa la tournure qu’avaient pris les évènements. Toute perdue qu’elle était dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué que sa bienfaitrice se trouvait en bien mauvaise posture.

La semi-fanalis n’avait pas de point de vue sur le monde en particulier. Les bons, les mauvais, tout ça, elle s’en fichait éperdument. Elle avançait à son propre rythme, au gré de ses envies et du courant qui l’emportait. Toutefois, il y avait une chose qu’elle avait retenue de son séjour avec la troupe de voleurs du désert ; lorsque l’on te vient en aide, tu as une dette. Et cette dette, il faut l’honorer, quoi qu’il advienne et qu’importe le moyen d’y parvenir. Soit. Elle n’avait pas prévu d’entrer dans la lutte, mais si c’était le moyen de faire en sorte que tout s’arrange plus ou moins et qu’elle puisse repartir rapidement, elle le ferait.

« Miro. »

Pas besoin d’ordre, il comprit tout de suite et se lança à l’assaut, plantant ses crocs dans les armures ridiculement fragiles de ces apparents soldats. Ils paraissaient braves, certes, mais absolument pas préparés à un tel affrontement. Karnerën hésitait même à les nommer « adversaires » pour être franc. L’odeur du sang lui parvint jusqu’aux narines et elle capta que sa camarade d’infortune semblait être en bien mauvaise posture. Encore. Décidément. L’envie de s’éclipser se fit sentir mais elle se retint d’agir ainsi, elle n’avait pas encore honoré sa dette. La bataille fut vite pliée grâce à son tigre qui coucha a plupart des indigents. Mais maintenant, l’agitation régnait partout et déjà on appelait d’autres gardes au secours. Bon, il fallait fuir maintenant, avant que d’autres n’arrivent.

Sur un coup de tête, la rousse demanda à Miro de sa saisir de leur alliée improbable entre ses croc, le pus doucement possible, puis monta sur son dos et fonça à travers la ville. Il devait bien y avoir une ruelle abandonnée, non ? Un endroit ou elles pourraient reprendre leur souffle correctement. En plus, elle avait une question à poser à cette inconnue blessée. Elle se promit de mettre un terme au chambardement de son crâne une fois que la plaie serait au moins pansée sommairement.

Finalement, les puissantes pattes du tigre du désert les menèrent jusqu’à un lieu reculer de Qishan. Il n’y avait pas âme qui vive. Tant mieux, avant qu’on vienne les chercher ici, elles auraient déjà pris la poudre d’escampette depuis fort longtemps. Karnerën descendit de son tigre et lui ordonna de poser la demoiselle contre un mur. Sans aucun rituel honorifique, elle observa la plaie puis déchira le bas de sa robe pour en faire une compresse avant de presser dessus.

« Je vais arrêter le saignement au mieux, mais il faudra vite faire soigner ça après ou tu risques la gangrène. »

Elle s’y connaissait un tout petit peu en matière de médecine, toujours à cause de son séjour parmi les jeunes déserteurs. Elle bailla et sorti de la petite bourse accroché à ses hanches des feuilles de menthe. Elle en proposa à son homologue.

« Tu en veux ? Ça aide contre la douleur. »

En tout cas, ça aidait la sienne, ce qui était déjà un exploit en soit, surtout lorsque l’on savait qu’elle était condamnée en ignorant combien de temps il lui restait à vivre. Continuant ses pratiques, elle finit par demander, dans un soupir interrogateur :

« Pourquoi tu as fait ça ? C’est mal l’esclavage ? »

Attention, pas de méprise, elle ne se fichait absolument pas de la tête de sa sauveuse, loin de là. Elle cherchait juste des réponses. Des réponses à son puits d’ignorance sans fin.

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