Brutale rencontre d'une douce créature. { PV Sayla Ul Vastia }

J’ai souvent quémandé à la vie, à ce monde, de pouvoir toucher cet aspect ô combien convoité de notre existence. Je ne calcule plus le nombre de fois où ma main juvénile s’est levée vers cette foule endiablée pour demander pitoyablement comment était-ce le bonheur. Mais mes lamentables échecs ne furent qu’accentués lorsque cette méprisante horde de gens s’est mise à me rire au nez. Un sourire amer s’était profilé sur mon visage emplit de lassitude. Le bonheur ne doit être qu’illusion comme ma réalité n’est que chimère absurde. J’ai souvent contemplé ce peuple béat pour on ne sait quelle raison. J’ai désespérément cherché à comprendre qu’est-ce qui nourrissait leurs sourires ornant leurs traits de mille couleurs flamboyantes. Moi, je courrais inlassablement derrière un objectif  qui ne possédait ni contour, ni forme, c’était translucide et irréaliste pourtant, ça semblait si beau et enivrant. Le bonheur de pouvoir sourire tel un bienheureux et retrouver les couleurs de la vie. Ou bien simplement les trouver car je ne me rappelle plus les avoir déjà contemplé.

Je me souviens des rayons du soleil me rongeant l’épiderme. De la soif tiraillant ma gorge. De la faim resserrant mes entrailles. De la quiétude délicate de l’amitié. De l’aspect désolant de la mort. Et de la solitude plus que jamais présente dans ma vie. Ma meilleure amie. Car si le monde est capable de sa raccrocher à son identité, moi j’en suis incapable. Une enfance non-achevée dénuée d’une mère. Lorsque je l’eu retrouvé, c’était indéniablement un sentiment confus et détestable qui m’avait englobé dans sa transcendante abyme. Impossible d’en conclure une quelconque satisfaction, c’est seulement à ce moment là que j’eu compris que le fruit de ma vie n’avait été qu’erreur bâclée. Incontestablement, j’étais renié, ignoré de tous. Comme ces gens méprisant mes propres parents ne m’avaient pas désiré. Mais non, aucuns flots tout droit descendu de l’abyme de mes iris n’eut dévalé mes joues d’une pâleur infinie car, à seulement neuf années de désolation incongrue, ma dignité de jeune homme était déjà assez outrageusement développée pour m’interdire un tel spectacle face à ces spectateurs ignobles.

Spectateur, j’en étais bien un, finalement. Celui d’un monde en péril. Pour le moment, j’avais l’impression que mon identité s’arrêtait à cela, être spectateur à l’esprit critique. Ca me plaisait bien, après réflexion. Alors que mon visage désenchanté peinait à rester éveillé. En cette rue sombre aujourd’hui, une œuvre bien moins ordinaire que quotidiennement s’offrit à ma vue. J’eu cru me tétaniser sur place lorsque mes orbes rosés détaillèrent avec effroi la vision qui se dévoilait à moi. N’aurai-je pas préféré observer avec désabusement profond la vue des vulgaires citoyens réalisant leurs quotidiens lassant ? C’était certes beaucoup plus ennuyant mais aussi plus rassurant. Car ce qui s’approchait de moi à grand pas m’eut remonté de sales souvenirs en mémoires. Mon intellect n’eut plus assez de temps pour trier toutes les informations accumulées et me voilà maintenant pétrifié face à cette chose qui daigna finalement s’arrêter à quelques centimètres de mon frêle corps. Mes paupières fiévreuses eurent  coupé mon acuité pour me permettre de reprendre mon souffle saccadé. N’avais-je pas rêvé ? On aurait dit un géant. Un énorme ogre saillant de suie noire et aussi brute qu’un ivrogne. Une brutalité non dissimulée qui me fit frémir d’angoisse. Mon subconscient riait inlassablement de moi. L’aspect de la mort me revint brièvement en tête alors j’eu récolté toutes mes forces pour rester debout et ouvrir mes yeux face à ce monstre dénué d’esprit. J’aurai souhaité me battre contre lui pour me venger de ses souvenirs ô combien détestables mais, c’est seulement à ce moment que j’eu aperçut cette perle sur le dos du monstre. Mon regard se fit plus chamboulé et mon corps se calma lentement. Qu’était-ce cette fille étrange ?  

Alors que l'incompréhension et la frustration profonde m'enivraient pour m'offrir une méprisable confusion. Voilà que cette perle qui semble chimère insaisissable descend d'un gracieux mouvement, de sa monture, telle une rose délicate transcende le rocher robuste de sa lumineuse beauté. Et un son qui me paraît mélodie harmonieuse parvient jusqu'à mon ouïe pour débuter ce qui semble être une relation sociale neutre. Je ne parviens pas à rester aussi calme et un brin amical avec cette jeune fille comme elle m'en fait pourtant l'honneur. Une sagesse non-dissimulée qui tranquillement arrive à apaiser mes traits mécontents soulignés d'un froncement de sourcils accentuant mon regard dur envers cette créature ignoble qui me transmet tant de souvenir aussi méprisable que son apparence répugnante. Un passé blessant et un présent confus ressassé par une simple rencontre qui n'en est pas des moindres. Anodine ? Absolument pas. Insolite ? Incontestablement en effet. J'éprouve alors cette sensation indéfinissable que l'on nomme pressentiment. Le destin n'aurait pas créé cette chimère pour me détruire à petit feu encore plus longtemps. Oui, c'est ridicule, méprisable. Je crois en cette chose translucide, sans contour, ni fondement; le Destin. Mais quel enfant de neuf an dénué d'identité, de relation humaine, de tout ce qui contribue à la vie d'un Homme, pourrait-il croire ? Lorsque l'on est tout ce que l'on a, on se désespère à chercher autre chose sur quoi se raccrocher pour être certain de ne pas s'autodétruire. Si je suis ce que j'ai, et que je perdais tout alors, je serais trop vulnérable et maigres espoirs, ma forte dignité me feraient un calvaire de cette vie pénible.

Lorsqu'enfin, mes neurones s'eurent connectés pour daigner répondre à la jeune femme. Mes traits juvéniles plus amicaux, bien que certes méfiant envers cette répugnante créature qui m'observe tel un prédateur.

- Une bibliothèque ? Oui. Il y en a une là-bas.

Dis-je en pointant du doigt un quartier derrière moi. Mes orbes toujours rivées vers le monstre je demande alors, intrigué.

- Tu n'as pas peur ? C'est quoi comme créature ? Une créature de donjon ?