Éteindras-tu le feu à temps? [PV Esma]

Esma était restée à Babylone pour diriger la Légion en l'absence de Sadjia et d'Osman. Ce n'était pas facile à tous les jours avec les hommes qui ne lui obéissaient pas toujours et l'armée du roi qui les pourchassaient sans cesse. Elle avait bien hâte que toute cette histoire se termine, que Sadjia monte enfin sur le trône et que la paix revienne finalement dans le royaume. Assise dans son bureau, elle lisait les derniers rapports que ses hommes avaient faits. Cela lui prit bien plus de temps qu'elle ne le pensait. Certains rapports étaient si illisibles qu'elle devait les lire trois fois avant de les comprendre. Esma soupira longuement en posant le dernier rapport sur son bureau. Elle se leva donc et sortir dans le couloir tout en s'étirant. Ce fut à ce moment-là qu'Osman arriva telle une bourrasque de vent.

Quelque peu surprise, la jeune femme l'observa s'écrier et s'enfermer dans son bureau en claquant la porte. Elle resta immobile un instant, se demandant bien ce qui pouvait se passer. Se disant que ce n'était pas le bon moment pour le déranger, elle s'éloigna et sortir à l'extérieur avec l'un de ses hommes pour s'entraîner. Au moins, il sera tranquille et aura sûrement le temps de se changer les idées quand elle rentrera.

Les minutes devinrent rapidement des heures. Elle ne vit pas le temps passer, et heureusement. Cela avait été un très bon entraînement. Rangeant son épée dans son fourreau, Esma retourna à l’intérieur du QG. C’est alors qu’une odeur de brûlé lui chatouilla les narines. Regardant autour d’elle, elle essaya de trouver d’où pouvait bien provenir cette odeur. Lorsqu’elle aperçut la fumé qui s’échappait d’une porte, elle s’écria : « OSMAN! » La jeune femme se précipita vers le bureau du bras-droit de Sadjia et l’ouvrit brusquement. Avec l’air qui entra, les flammes s’élevèrent un peu plus haut. Elle se mit à tousser et s’enfonça à l’intérieur de la pièce, cherchant Osman à travers la fumée. Elle le vit finalement. Il était assis à son bureau, complètement endormi. Toussant de nouveau, elle s’approcha de lui et le secoua. « Osman! Réveille-toi! Bon sang… »

Le feu se propageait rapidement. Et dire que la majorité des hommes patrouillaient actuellement. Esma attrapa les rideaux et tira d’un coup sec pour les libérer. Les jetant sur les flammes, elle essaya d’étouffer le feu, mais en vain. Du bois, du papier, de l’air… Tout ce que les flammes avaient besoin pour réduire en centre le bureau… Esma paniquait intérieurement. Il était de plus en plus difficile de respirer avec toute la fumée. Que pouvait-elle bien faire?!
 

Les flammes ravageaient tout sur leur passage. Elles avaient même commencé à s'en prendre au reste du QG. Bon sang! Il fallait qu'elle se dépêche à trouver une solution. La fumée était devenue épaisse, bien plus qu'avant, ce qui fit tousser Esma. Elle ne voyait plus qu'à un mètre  d'elle maintenant. Son coeur tambourinait dans sa poitrine alors que la panique grandissait en elle. Comment est-ce que tout cela avait-il pu arriver? Il n'y avait pourtant aucun ennemi à l'horizon! C'est alors qu'elle entendit une voix familière crier son nom. La jeune femme se retourna donc, cherchant d'où elle pouvait bien provenir. Osman s'était enfin réveillé!

Un craquement sourd parvint alors à son oreille. Esma leva rapidement la tête pour voir qu'une des poutres, rongées par les flammes, allaient céder d'une minute à l'autre. Au même moment, Osman fit son apparition. La poutre céda et tomba alors que le babylonien l'attrapa par la taille pour la sauver. Un peu secouée par ce qui venait d'arriver, elle observa le jeune homme, surprise. « Sa... Sadjia n'est pas ici... Tu... Tu devrais... le savoir » À nouveau, elle se mit à tousser. Toujours dans les bras d'Osman, ils se dirigèrent vers l'entrée où il la déposa avec les quelques dossiers qu'il avait pu sauver. Esma prit de grande bouffée d'air frais alors que les hommes de la Légion arrivèrent avec des sceaux d'eau afin d'éteindre l'incendie qui, désormais, ravageait entièrement le QG.

Elle se laissa tomber sur le sol, reprenant son souffle. Ses vêtements et sa peau nacrée étaient recouverts de suie. Un long soupire s'échappa de ses fines lèvres. Pourquoi cela devait leur arriver? Son regard se posa sur les flammes, puis sur les hommes de la Légion qui faisait de leur mieux pour éteindre les flammes. Qui était le coupable? Serait-ce...? Esma secoua vivement la tête, ne souhaitant pas y penser, mais en même temps... Elle observa silencieusement Osman qui était en compagnie de Karim. Se levant, elle titubant jusqu'à Osman et l'attrapa par le collet, plongeant ainsi son regard rosé dans le sien : « Tu dois bien savoir ce qui s'est passé, Osman! Nous sommes en train de tout perdre! » Les dossiers, les cartes, les trousses de premiers soins, les armes... Tout. Voyant que le bras droit de Sadjia ne réagissait pas, elle prit les commandes. « Que personne n'entre à l'intérieur! C'est beaucoup trop dangereux! Éloignez-vous des flammes, immédiatement! » Bien que les hommes étaient déconcertés, ils devaient avouer qu'elle avait raison. Il était trop tard maintenant.

Esma tourna les talons et s'éloigna de leur quartier général - ou du moins, de ce qu'il en restait. Elle s'arrêta et jeta un coup d'oeil vers Osman. Lorsqu'ils seront seuls, elle était décidée à le questionner...

À peine venait-elle de tourner les talons pour s'éloigner que Osman donnait des ordres qui allaient à l'encontre des siennes. Éteindre les flammes? Mais il était fou! Il souhaitait risquer la vie de leurs compagnons simplement pour sauver des dossiers? Certes, ces dossiers avaient une certaine valeur, elle ne pouvait pas le nier. Néanmoins, les vies des membres de la Légion étaient beaucoup plus importantes. Esma serra les poings. Elle pouvait voir dans leurs regards à quel point ils hésitaient. Qui devaient-ils écouter? Osman, le bras-droit de leur chef ou bien Esma, qui les avait dirigé pendant la disparition de leur chef? La jeune femme prit alors une grande inspiration et cria les ordres suivants : « Karin! Sharim! Allez chercher les dossiers que Osman lance par la fenêtre! Le reste d'entre vous, transportez les blessés et dirigez-vous vers la grotte de l'ouest. Exécution! » Personne n'eut le droit de répliquer. En fait, ils n'en avaient pas le temps, car la blondinette déchira un pan de son vêtement pour le nouer autour de ses lèvres et s'enfonça aussitôt dans le QG en flamme pour aller sauver ce crétin d'Osman.

À plusieurs reprises, Esma dut esquiver des poutres qui tombaient et les flammes qui ne cessaient de prendre de l'expansion. Non sans peine, elle réussit à se glisser dans le bureau du bras-droit de la Légion. La fumée était de plus en plus épaisse et il était difficile de respirer. Elle scruta les alentours jusqu'à ce qu'elle le vit, assis au pied de la fenêtre, les yeux fermés... Au même moment, le craquement sonore d'une poutre attira son attention. Celle-ci allait s'écrouler à tout moment sur Osman. Esma se précipita donc sur lui, fit une roulade en tenant le corps du jeune homme contre elle et roula quelques mètres plus loin, esquivant de justesse la poutre enflammée. Assise désormais à califourchon sur lui, elle le gifla sur chaque joue pour le ramener à lui. « Ça va pas la tête?! T'es devenu suicidaire avec le temps ou quoi?! Allez, relève-toi! Faut partir d'ici! » Elle se leva aussitôt et attrapa le bras d'Osman pour l'aider à se lever. Le traînant de force, elle réussit à sortir du QG en flamme.

Recouverte de suie et ses vêtements brûlés à de nombreux endroits, Esma était furieuse. Son regard rose s'illuminait d'une colère noire. Continuant de traîner Osman à l'extérieur du QG, elle l'entraîna jusqu'au pied d'un arbre où elle le poussa violemment. Les membres de la Légion étaient effrayés de voir sur son visage si charmeur un regard si sombre. Une nouvelle fois, elle gifla Osman. « Tu peux m'expliquer ce qui ne va pas dans ta tête de linotte?! Pourquoi as-tu ordonné aux hommes d'éteindre les flammes?! Tu as mis leurs vies en périls, tu le sais ça? Qu'est-ce qui est plus important : la vie de tes hommes ou ces maudits dossiers? Des papiers, on peut en réécrire. La vie d'un homme, on ne pourra jamais la remplacer! » En prononçant ces paroles, ce petit bout de femme plaqua violemment Osman contre l'arbre, plongeant son regard dans le sien. Elle était devenue une véritable tigresse...

Esma regardait son ami dans les yeux, le maintenant solidement contre l'arbre où elle l'avait plaqué. Sous l'adrénaline, on pouvait dire que la demoiselle avait une poigne solide! Oui, elle s'était inquiétée pour lui. Il était important à ses yeux, bien plus qu'il ne le pensait... Même lorsqu'il lui criait après, elle ne bougea pas d'un pouce. Elle restait solidement ancré au sol, quelque peu en colère contre lui. La pauvre Esma était brûlée à de nombreux endroits, notamment sur ses bras qui la faisaient atrocement souffrir à force de maintenir Osman. Sauf qu'elle endurait son mal avec patience. Alerté par le haussement de voix du bras-droit de Sadjia, quelques hommes se rapprochèrent d'eux pour comprendre ce qui se passaient - même s'ils avaient de gros doutes.

Ce qu'il dit, par la suite, n'avait aucun sens. Certes, ils étaient une famille et les membres d'une famille se protègent les uns les autres. Il est vrai que des années de travail ont été emportées par les flammes, mais les informations les plus importantes étaient en lieu sûr : dans leur mémoire. Esma avait prit l'habitude de mémoriser les dossiers ou du moins, ce qui était le plus important. Évidemment que Sadjia tenait à ses dossiers, mais elle tenait encore plus à ses hommes qu'à ces bouts de papier. Osman était en train de délirer... Avait-il respiré trop de fumée? Cependant, la dernière phrase qu'il prononça la laissa perplexe sur le coup. Belle... Esma? Depuis quand l'appelait-il ainsi? Et il voulait savoir pourquoi elle l'avait sauvée? « Pourquoi? Tu me demandes pourquoi? Nous sommes une famille Osman, tu l'as dit toi-même! Je n'allais pas laisser un membre de ma famille se suicider! » La blonde termina tout juste sa phrase au moment où Osman déposa ses lèvres sur les siennes dans un tendre baiser. Ses yeux rosés s'écarquillèrent sous la surprise. Que faisait-il?! Il savait pourtant ce que cela signifiait, un baiser ainsi! C'était un acte qui scellait un mariage dans leur coutume... Alors, pourquoi? Pourquoi faisait-il cela?

Complètement figée, elle fixa le jeune homme sourire tout en caressant ses bras brûlés, ce qui la fit grimacer. Des murmures s'élevèrent parmi leurs hommes. Esma ne pouvait pas rester ainsi à rien faire, elle devait agir et vite! Le coeur tambourinant dans sa poitrine, elle libéra Osman tout en lui balançant : « Comment oses-tu, Osman?! Tu sais très bien ce que cela signifie pourtant?! Espèce de ...! » Aussitôt, elle lui donna un violent coup dans le ventre. Elle était furieuse, oui... Il osait l'humilier devant leurs camarades. Il osait jouer avec ses sentiments enfouies au plus profond de son être. Il osait... l'embrasser. S'éloignant de quelques pas, elle observa leurs hommes qui se tendirent en voyant son regard furieux. « Qu'est-ce que vous faites encore là?! Je vous ai dit de partir dans la grotte, maintenant! » « O.. Oui, Esma! » répliquèrent les hommes en coeur avant de se disperser pour s'éloigner de cette furie. Même Karin et Sharim s'éloignèrent avec les dossiers. Esma poussa un long soupire avant de regarder le Zaïm. Elle se demandait bien ce qu'elle allait faire de lui... Ne pouvant pas le laisser là, elle se glissa sous son épaule, l'aidant ainsi à se tenir debout. Une main posée sur sa hanche et l'autre tenant son bras, la jeune femme marchait silencieusement et suivait leurs hommes. Elle n'avait plus rien à dire à Osman... Du moins, pour l'instant.

Esma était furieuse. Oui, elle l'était, car en tant que noble de Babylone, un baiser sur ses lèvres signifiait bien des choses, dont une promesse de mariage. Elle avait été éduquée dans cet univers où celui qui oserait, qui aurait le courage de l'embrasser, serait son futur époux. Après tout, malgré sa trahison envers sa famille, elle restait l'unique héritière des Saniemi. Soutenant Osman du mieux qu'elle le pouvait, elle marchait silencieusement en direction de la grotte qu'ils avaient autrefois découverte et qu'ils utilisaient uniquement pour les urgences comme celle-ci.

Perdue dans ses pensées, ce fut son ami qui la ramena au monde réel en s'arrêtant brusquement de marcher. Esma arrêta donc à son tour et le dévisagea. Qu'allait-il dit encore? Elle écouta son charabia un moment sans répliquer, croisant les bras sous sa poitrine. Comme il l'énervait ces temps-ci! Lorsqu'il la traita de croqueuse d'hommes, elle lui donna une claque derrière la tête. « Ne m'appelle plus jamais ainsi, compris?! Sache que je suis furieuse après toi, à cause du baiser! Tu sais très bien ce que cela signifie pour une noble! Raah! »  Elle lui tourna le dos, passant une main dans sa longue chevelure blanche, quelque peu agacée. Poussant un long soupire, elle le suivit en voyant qu'il s'éloigna près d'un lac. La jeune femme accepta alors volontiers les feuilles humides qu'il lui tendit et qu'elle déposa sur ses avant-bras. Elle grimaça légèrement lors du contact des feuilles contre sa peau. Cela picotait quelque peu, mais au moins, cela soulageait la douleur qu’elle ressentait.

« Je vais rejoindre nos hommes à la grotte pour soigner les blesser. Rejoins-nous dès que possible, d’accord? » dit-elle avant de s’éloigner. Osman avait raison et elle le savait. Leurs hommes auraient besoin d’une femme forte comme elle durant l’absence de Sadjia pour les tenir en laisse. Ils étaient de véritables enfants! Se dirigeant vers la grotte, elle leva les yeux vers la lune. « Sadjia… mais où es-tu? Tu nous manques à tous… » » murmura-t-elle pour elle-même avant d’arriver au lieu de rassemblement. La nuit risquait d’être longue…