Et sans personne pour pouvoir te suivre, tu galopes sur le fil de la lame,
Poussée introspective, bouquet de déraison
Pied de nez à l'intangible destin.

Changeante, vivante, Asfäl est la dame des contraires. Et ne vous y trompez pas, sous ses allures parfois tortueuses ; elle ne se prend pas la tête. C'est qu'il est difficile de comprendre comment accéder à son entité véritable tant elle se défile quand vous croyez la saisir. Elle se moque doucement de la logique et ne s'en cache pas. Déroutante, elle ne répond à aucun stéréotype, ou a plusieurs à la fois. Elle porte peu d'attention aux apparences, qui pour elle ne signifient rien. Par contre, et à tout hasard... Elle déteste qu'on lui rappelle ses échecs ; et évite généralement les situations où elle risque de perdre ouvertement et visiblement.

Elle peut paraître un peu cinglée. Pas foncièrement méchante pourtant, juste un peu difficile à suivre ou à cerner, et parfois agaçante ou arrogante. Elle ne fait cependant pas exprès et quand elle se décide à abandonner les apprêts de son hypocrisie délicieuse, s'avère relativement gentille. Pas attentionnée ni spécialement à l'écoute, non, mais elle ne désire pas foncièrement faire le mal de son prochain... Enfin, tout dépend des situations. Si on l'énerve, si on se sert d'elle.... Elle ne l'entendra pas de cette oreille. A s'être construite « par opposition » je dirais, elle tient particulièrement à son indépendance. Elle peut faire n'importe quoi, dès lors qu'elle a au moins l'impression que cela vient de sa propre décision... Ce qui la laisse désemparée face à quelqu'un qui serait un fin manipulateur.
Cependant une certaine fierté, ou au contraire son détachement un peu excentrique, la protègent des tentatives les plus évidentes de se la concilier.

Elle déteste la stabilité et la répétition : quitte à camper à la belle étoile quand la ville la lasse et même si techniquement, elle a une petite bicoque à habiter, vous la verrez assez rarement dormir deux nuits de suite au même endroit, ni faire les mêmes activités. Elle s'ennuie facilement, une des premières idées pour la mettre dans votre poche est donc de la divertir, d'aiguiser son intérêt, par quelque parade que ça soit.

Vipère du jardin d'Eden
Flamboiement subtil
Aura de trouble.

Un flamboiement vacillant. C'est ce qui transparaît le plus dans l'aura de cette grande gamine. Vous la trouverez assise pensive en terrasse, dodelinant de la tête ; ou allant d'un point A à un point B d'un air incertain mais la tête haute, regardant sans y voir à droite et à gauche. Vous aurez l'occasion d'observer l'agilité de ces jambes sveltes, de cette silhouette élancée sans maigreur ni surcharges de formes, tandis que sa vingtaine d'années l'a définitivement débarrassée de toute lourdeur-rondeur de l'enfance. A bien y regarder, elle a de solides bras – nécessaires avec son armement et sa fâcheuse tendance à se mêler des bagarres inutiles. Elle a d'ailleurs une drôle de cicatrice sur l'omoplate gauche, qui doit lui venir d'une énième rixe dont elle a probablement oublié la cause.

Son visage fin est expressif, l'allure souvent lointaine pouvant se masquer de gentillesse ou de mépris avec une facilité et un naturel déconcertant ; comme si tout lui appartenait, aussi bien les larmes que les sourires. Comme si rien ne la surprenait vraiment, mais que tout pouvait lui servir. Les yeux bleu turquoise aux ombres profondes pourraient intimider, mais ils savent se faire doux ou fuyants. Lasse, elle peut toujours se cacher sous ses longues mèches blond vénitien. Facilement hirsute, cela la dérange rarement, mis à part peut-être en cas de bataille aux enjeux un minimum essentiels à ses yeux, en tous cas assez pour s'offrir de la visibilité supplémentaire en dégageant cette tignasse roux vif. Pourquoi cacher un si joli regard ?

Elle croqua dans le morceau de sucre comme pour se rassurer ;
Et le morceau de sucre se brisa.

Asfäl avait deux ou trois ans quand on la ramassa dans la rue, quelque part dans une province reculée de l'Empire de Laem. Elle tenait à peine sur ses jambes, mais pouvait dire son nom. Asfäl. Qui serait assez fou pour ramasser une gamine perdue en loques, probablement orpheline de quelque drame ? Et bien, une bonne famille de marchands moyens, incapables d'avoir un enfant pour perpétrer leur petit commerce, que le 'désespoir' – ou la cupidité ? - avait poussé à cet acte débile. Ainsi, non seulement ils gagnèrent un « outil de travail » - certes pas utilisable immédiatement, mais ça les dispensait d'acheter et de discipliner un esclave – mais surtout, ils se donnèrent bonne conscience. Ramasser l'enfant, la nourrir et l'éduquer, n'était-ce pas une action merveilleuse ?

Le problème fut rapidement qu'Asfäl, guidée par un tempérament impétueux, ne l'entendit pas de cette oreille. Elle ne voulait pas faire une bonne petite femme capable de faire les comptes et autres pertes de temps ennuyeuses. Elle voulait sortir, apprendre à se battre. Faire les choses elle-même : en un mot, agir. Ainsi, elle s'attira rapidement des ennuis et les foudres de ses parents adoptifs, en s'éclipsant régulièrement de la maison familiale et en finissant généralement prise dans diverses bagarres de gamins des rues et autres équipées, rentrant pleine de poussières, de bleu, d'égratignures et demeurant parfois introuvable pendant plusieurs jours. Une vraie plaie... Elle était intelligente pourtant, et ne se désintéressait guère de ce que les livres et autres cartes de la maison pouvaient lui apprendre. Mais cela ne suffisait pas.

Ses parents se décidèrent à faire des concessions alors qu'elle rentrait lentement mais sûrement dans l'adolescence, ce qui accentua d'autant plus son côté rebelle... Elle avait alors peut-être onze, ou douze ans. Ils l'envoyèrent courir le monde avec une caravane commerciale. Ainsi, peut-être réussirait-elle à apprendre quelques choses concrètes et utiles... Et à défaut, elle cesserait de leur causer directement des problèmes. Peut-être qu'elle s'égarerait en chemin, aussi, qu'elle trouverait quelque chose d'autre à faire.  

Grand bien leur en fit. Effectivement, elle ne rentra jamais « à la maison ». Elle passa un peu plus de deux ans avec la caravane, s'y fit des amis et y apprit les rudiments du tir à l'arc (auquel elle continua par la suite de s'exercer, cet art lui plaisant bien), et du combat en général, se retrouvant parfois prise dans des situations dont il fallait bien s'extirper d'une manière ou d'une autre.  L'arc raffiné qu'elle possède toujours aujourd'hui lui fut offert par les membres de la caravane quand elle leur fit finalement part de sa volonté de les quitter. Elle ne se rendait pas tout à fait compte des difficultés qu'elle rencontrerait pour se débrouiller. Mais à ce moment là, elle se sentait confiante, un peu trop peut-être. Elle avait économisé sur son salaire et vécut assez tranquille un moment, quoiqu'avec parcimonie.

Évidemment quand elle arriva au bout de ses réserves... Les ennuis commencèrent. Elle gagna sa vie comme elle put pendant un moment puis, n'y tenant plus, elle se remit à voyager, proposant son aide dans des caravanes et autres échoppes quand d'aventure elle se posait en ville... mettant sa fierté de côté, elle avait compris qu'elle devrait abandonner un temps ses belles idées de prestiges et d'aventure pour se contenter d'un difficile choix de pragmatisme. Après encore quelques années de galères, elle finit par se poser dans l'Empire Ko. A ce moment là, elle devait avoir quelque chose comme dix-sept ans, un peu moins peut-être. Ensuite... il faut se dire qu'après moult concordances de hasards et coïncidences, embrouilles, péripéties, coups de chance et autres fantaisies du destin, elle se retrouva à conquérir un donjon avec l'aide du fameux et fantasque Magi de l'Empire Ko en personne, Judal. Et c'est ainsi que non seulement, elle se retrouva en possession d'un joli petit pactole qui lui permettrait de vive confortablement, mais aussi et surtout, entra en possession d'Ipos, un puissant Djinn du Son.

Repartant ainsi d'un tout autre pied dans son existence, elle put non seulement acheter une petite maison aux alentours de la capitale – cette petite commère ayant fini par apprécier les lieux grouillant d'activité, et d'où il est facile de partir en suivant une caravane ou autres – mais aussi se consacrer à... d'autres passe temps, comme perdre son temps à longueur de journées dans des bars, se balader sans but dans tous les recoins de la ville et des campagnes avoisinantes, ou encore tenter peu à peu et quand elle en avait le courage de maîtriser les pouvoirs complexes de son Djinn fraîchement acquis. Après tout, avec un tel pouvoir à sa disposition et aimant se mêler des choses, elle ne désespère pas de se grignoter quelque bonne place ou un peu de célébrité alentour.