Besoin d'une guide ? [pv Amalya] ( 01/05/1002)

01/05/1002 (mois de OULA)

Long. Le temps semblait incroyablement long pour Imraan qui n’avait jamais pris un bateau de sa vie. Etrangement l’idée même de partir l’angoissait et le faisait tourner en rond dans sa cabine, touchant parfois son collier pour se rassurer. Il n’avait pas eu le courage de briser ses chaînes qui le retenait à Heliohapt quand il l’aurait fallu passé outre le souhait de son amant afin de l’accompagner au donjon qui lui avait couté la vie. Et voilà qu’il accompagnait un noble arrogant et prétentieux, soucieux d’avoir un mage de vie avec lui et un garde du corps engagé pour l’occasion. Le jeune homme ne savait pas si sa situation était légale, peut-être avait-il son mot à dire sur la question mais cette famille qui l’avait enlevé à ses parents en échange d’une somme d’argent agissait toujours comme s’il était leur propriété alors il obéissait par dépit, par habitude. Très peu payé. Parce qu’il ne savait rien faire d’autre et s’en fichait.

Imraan n’avait jamais vu la mer avant cela. Peut-être que trois ans auparavant cela l’aurait émerveillé. Mais plus maintenant. Ce n’était que de l’eau à perte de vue finalement. Parfois il faisait plus froid alors il s’enveloppait dans une cape et attendait que cela se passe, son visage ne reflétant qu’un profond ennui. Il n’adressait que le minimum syndicale de parole à l’équipage et passagers tandis que l’orgueilleux Saeed discutait avec qui voulait bien l’entendre, essayant de draguer quelques passagères et se prenant pas mal de râteaux tellement il était lourd.

Courage. Une semaine à tenir. Même s’il n’avait pas spécialement le mal de mer, retrouver la terre ferme et le chaud soleil soulagea l’Heliohapt, qui n’était pas le seul. Le noble et le garde du corps semblaient plutôt satisfaits de cette situation. Une fois arrivé à l’empire Reim puis Remano sans incident, Saeed s’empressa d’aller rendre visite à un de ses riches amis, surement pour aller cancaner sur toutes les rumeurs possibles et imaginables. Au début, Imraan les suivaient, ne sachant pas quoi faire d’autre, jusqu’à ce que le riche de Reim demande en désignant le garde du corps et le mage :

- Saeed, sont-ils obligés de nous suivre partout ? Ils font peur aux jeunes demoiselles. Nous ne séduiront personne avec eux dans les parages.

Le noble leur jeta un coup d’œil puis déclara au garde du corps :

- Tiens-toi plus à l’écart. Et quand à toi…

Il chercha vaguement le nom du mage sans le trouver :

- Quand à toi Machin, tu n’auras qu’à attendre à l’auberge.

Il lui donna quelques pièces pour s’en débarrasser puis Imraan haussa les épaules sans sourciller et fit demi-tour tandis que les deux nobles partirent s’amuser au casino. Il soupira, blasé, rabattu sa cape en tissus légère pour se protéger du soleil et surtout des regards, habillé de ses vêtements de tous les jours, un haut rouge ouvert sans manche, un sarouel rouge et des sandales blanches, sans oublier ses boucles d’oreilles, son collier et son bracelet en or pouvant faire des envieux. Mais jamais Imraan n’aurait vendu le collier et le bracelet ayant appartenu à Akeem qui le lui avait confié. Il portait à la main son bâton de combat, s’en servant comme bâton de marche machinalement, sa baguette était quand à elle bien caché dans sa poche.

Le jeune homme s’engouffra dans les rues marchandes, déclenchant parfois quelques chuchotements : les Heliohapts étaient facilement repérable même avec une cape. Mais il y avait trop de monde à son goût, alors il s’en éloigna. Bien mal lui en prit ! Imraan se perdit dans les ruelles et ne savait plus trop où aller ensuite tandis que l’après-midi déclinait. Peu naïf, il lui semblait que si il était encore ici à la tombée de la nuit des ennuis surviendraient alors il valait mieux retrouver son chemin avant que cela n’arrive. Ne voulant pas perdre trop de temps, il avisa une jeune fille blonde n’ayant pas l’air dangereuse.

- Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer le chemin vers des rues plus fréquentées ?

Imraan se demanda un peu si il lui avait fait peur – elle avait sursauté - mais le jeune homme attendit patiemment la réponse, apercevant un petit chat s’en aller. De toute façon ce n’était pas comme si il avait d’autre chose à faire.

-Oui, c'est...

Apparemment, la jeune fille – Imraan la pensait plus jeune que son âge – avait commencé une phrase mais c’était ravisé. L’Heliohapt se demanda si c’était dû à sa cape ? Peut-être que cela avait l’effet inverse et faisait peur aux gens ? Qu’importe, il cligna des yeux sans changer spécialement d’expression. Peut-être réfléchissait-elle ?

-Sinon suivez-moi, je vais vous montrez !


Imraan hocha la tête en guise d’approbation, ne se méfiant pas forcément de la jeune blonde et pensant que pour quelque chose d’aussi simple qu’indiquer le chemin il n’y aurait pas d’entourloupe. Néanmoins il est vrai qu’il ne pensait pas à payer non plus, à la fois parce qu’il n’était pas habitué à dépenser de l’argent – ayant tout juste assez pour subvenir à ses besoins et se payer une chambre d’auberge – et parce qu’il lui semblait naturel de rendre ce petit service à un étranger perdu.

Il suivit donc sa guide improviser dans les ruelles, et il ne se passa rien de louche, alors il était vraiment sûr qu’il n’y avait aucun problème en vue, de plus, au fur et à mesure les rues s’élargissait et il entendait de nouveau les bruits de la ville. Et bien, Imraan s’était vraiment un peu trop éloigné dans sa quête de tranquillité vu toutes les ruelles qu’ils devaient emprunter. Le jeune homme marcha sans prononcer un mot, tel une ombre silencieuse, il ne savait pas quoi dire n’ayant jamais été particulièrement bavard. Heureusement ils arrivèrent à bon port, dans une rue pleine de boutiques. Alors Imraan hocha la tête en remerciement – essayant d’avoir l’air légèrement moins antipathique devant quelqu’un l’ayant aidé – et déclara :

- Je vous remercie.

Il hésita un instant puis demanda :

- Savez-vous s’il y a une auberge à proximité ?

Imraan ne voulait pas spécialement importuner l’habitante – du moins le déduisait il - plus longtemps mais il ne voulait pas spécialement non plus avoir à adresser la parole à une deuxième personne pour cette information, alors il préférait être fixé sur sa prochaine destination. Là encore, il pensa l’information gratuite.

-Suivez-moi, je devais y aller de toute façon ! Ce n'est pas loin d'ici !

Confiant sur le savoir de la jeune femme, Imraan continua de la suivre sans parler, regardant parfois le décor urbain qu’il ne connaissait que peu. Est-ce qu’Akeem avait déjà parcouru ces lieux dans son voyage vers le donjon ? Avait-il marché dans ces rues comme lui le faisait à cet instant ? Il soupira un peu tristement, portant sa main au bracelet de son autre poignet. Pourquoi fallait-il qu’il pense à de telles choses maintenant ? Ni l’architecture d’une ville inconnue, ni les bonnes odeurs de boutiques de nourritures, ni les vêtements d’un style autre que le siens ne parvenait à l’émerveiller. Il lui semblait que sans son très cher Akeem, la vie avait un goût amer.

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua même pas que la jeune blonde s’était perdu dans les rues, et failli même se prendre un mur quand ils rechangèrent de direction.

- Au fait, qu'est qu'un Heliohapt vient faire ici ?

Un silence de trois secondes. Attendez, c’était à lui que l’on parlait ? Bien évidemment, il n’y en avait pas trente-six dans le coin. Tellement peu habitué à ce qu’on lui demande son avis, Imraan failli ne pas répondre avant de décrocher, acerbe :

- J’accompagne mon maître venu rendre visite à un de ses amis à Remano.

Avec ironie il déclara :

- Néanmoins, il ne peut apparemment pas courtiser de demoiselles avec ma présence gênante à ses côtés, alors il m’a congédié.

Visiblement, Imraan ne portait pas Saeed dans son cœur même si il suivait ses ordres sans broncher – du moins – si cela entrait dans l’acceptable. L’attendre à l’auberge le temps de sa visite au casino rentrait parfaitement dans ce que le jeune homme pouvait faire. De toute façon il n’avait pas envie de voir les deux riches se pavaner devant des femmes, trouvant leur comportement immature et pour ainsi dire débile.

- Et toi ? Tu n’es pas d’ici puisque tu dors à l’auberge.

Il l’avait pris pour une habitante mais apparemment ce n’était pas le cas. Ayant du mal à différencier les autres peuples entre eux – tous les Heliohapts ayant la même couleur d’yeux, cheveux et peau c’était plus facile – Imraan ne savait pas trop d’où venait la jeune femme. Cela pourrait tout aussi bien être d’une autre ville de Reim. Parfois, ils rencontraient d’autres passants qui le regardaient avec curiosité. C’est vrai qu’il possédait des bijoux de riche et qu’il l’oubliait tellement cela faisait partit de lui. Oh, ses maîtres avaient bien songé à les lui reprendre mais le regard particulièrement menaçant qu’Imraan leurs avaient lancés ce jour là les avait dissuadé d’essayer : après tout, contre un magicien ils étaient un peu embêté.

Mmmf, l’Heliohapt venait surement d’atteindre son quota de mots journalier en l’espace d’une minute puisque d’habitude il ne parlait pas. Peut-être essayait il de mettre l’inconnue un peu plus à l’aise puisqu’elle lui indiquait gracieusement le chemin. Quand il vit un panneau d’auberge au loin, il demanda :

- Est-ce ici ?

Donc, la jeune femme était une voyageuse ? Sans doute, ce n’était pas si courant et les motifs pouvaient être divers et variés à ce propos. Soucis économiques, guerres, envie de voir le monde, marchands… les raisons pouvaient être extrêmement nombreuses aussi ne demanda il pas, toujours aussi bavard. Imraan jeta à peine un regard aux chères étoffes qu’il pouvait y avoir, peu intéressé. Akeem les avait-il vu lui aussi ? Pourquoi fallait-il qu’il pense à de telles choses à la moindre occasion ? Cela assombrissait encore plus son air peu avenant extérieurement et serrait son cœur. Parfois il avait l’impression d’être malade et d’avoir un poids sur ses épaules qu’un sort de soin ne guérirait. Même le monde lui paraissait moins éclatant malgré le soleil… Parfois il avait envie d’hurler et de détruire ce qui se dressait sur son chemin, et d’autre fois il voulait se rouler en boule en attendant que ça se passe. L’Heliohapt soupira. Quel mauvais compagnon de voyage il faisait !

- On y est ! Maintenant faut payer!

Ils arrivèrent à destination devant une simple auberge de la ville. Le jeune homme eut ses yeux verts traversés par une vague lueur de surprise avant de reprendre une expression plus indifférente. Ah. Payer. La gentillesse n’était pas gratuite, il avait oublié… Où peut être avait-elle besoin d’argent ? Sauf que lui aussi. Si il l’a payait… Cela serait juste pour lui de survivre avec l’argent restant… Il soupira à nouveau, peu sensible au sourire, Imraan cala son bâton contre lui le temps de prendre sa maigre bourse dans sa poche, la dénoua, blasé, et sortit une petite pièce sans grande valeur pour lui tendre en déclarant d’une voix neutre :

- Je ne peux pas te payer plus.

Imraan ne proposa pas ses services en tant que mage car il cachait justement ce statut. Après tout, les magiciens n’étaient pas courants et pouvaient être mal vu. Imaginez un peu que la femme blonde se mette à crier en l’apprenant, cela créerait des ennuis inutiles et terriblement ennuyeux que le jeune homme n’avait pas envie d’affronter. Il n’avait de plus pas envie de se faire refuser par l’aubergiste à cause de ça et devoir dormir dehors. L’Heliohapt expliqua brièvement, posant son neutre regard sur la jeune femme :

- Je n’ai pas assez d’argent.

Il oubliait ses biens évidemment mais n’avait guère l’intention de s’en séparer, aussi cela ne lui venait il pas à l’idée. Pensant le soucis réglé, il amorça le mouvement d’entrer à l’intérieur de l’auberge. Mais peut être que l’inconnue ne se satisferait pas d’une si maigre récompense ?

Imraan entra dans l’auberge, suivi de l’inconnue qui lui demandait comment il s’appelait. Oui, c’est vrai qu’en toute logique la conversation pouvait se terminer ainsi. C’était ceci dit assez rare qu’on lui demande comment il s’appelait. En même temps… Son maître n’était pas fichu de le retenir parce qu’il avait été passé comme on passerait un meuble « tiens tu cherches un servant et bien en voilà un cadeau mon fils». M’enfin, dans qu’on n’essayait pas de le frapper, l’Heliohapt se satisfaisait de son sort. De toute façon Akeem n’était plus là. Trop de nostalgie. Avec un soupire il lâcha :

- Imraan.

Sur ce il s’avança encore plus à l’intérieur, il y a déjà quelques clients. Il s’avança vers l’aubergiste étonné de voir un Heliohapt ici pour réserver une chambre, attendant que la jeune femme ait fait de même. Celle-ci s’installa ensuite à une table après avoir commandé de quoi manger. Et comme il ne savait pas quoi faire d’autre, il commanda un verre de vin, s’installant à une autre table dans un coin – après tout ils n’étaient pas assez intime pour être à la même. Néanmoins, poliment, Imraan leva son verre légèrement à l’intention de la blonde pour la saluer et la remercier de l’avoir conduit jusqu’ici. Puisqu’ils allaient loger au même endroit, surement se recroiseraient-ils dans les jours à venir, alors autant faire bonne impression. Sur ce, il but un coup, le vin n’était pas très bon néanmoins cela lui importait peu : c’était devenu un réflexe quand la nostalgie le reprenait et devenait trop forte. Parfois même quand il avait les moyens il se payait une bouteille entière et finissait éméché. Heureusement ce n’était pas le cas aujourd’hui.

Imraan attendit… Il ne savait trop quoi. Une grande illumination surement, un déclic. Mais rien ne lui vint. En même temps, l’Heliohapt avait pris la sale habitude de ne pas s’intéresser aux gens ni au décor, alors dans une taverne, il n’avait pas grand-chose à faire et il en avait même oublié de demander le prénom de l’inconnue. Certes il y avait bien quelques regards suspicieux car son statut d’étranger était visible. Il faut dire qu’Heliohapt n’était pas la porte d’à cotée. Ceci dit, avec sa tête peu avenante, les clients n’étaient pas forcément très chaud pour aller lui poser des questions.

Comme Imraan n’avait pas très faim, il ne commanda rien, décidant d’attendre le soir pour manger, espérant que son maître ne l’oublierait pas – parce que ce noble arrogant en était capable déjà que Saeed ne faisait pas l’effort de retenir son nom. M’enfin. Une fois avoir fini son verre et l’avoir bien hypnotisé en espérant un quelconque miracle comme le retour de son amant, il se leva de table et monta à l’étage juste assez rapidement pour voir la jeune femme entrer dans sa chambre. Mmf. Demander ou pas demander ? Akeem aurait surement engagé la conversation, il aurait eu son prénom, un bout d’histoire, une adresse, bref il aurait fait connaissance. Alors que lui était là, hésitant, dans le couloir. Qu’est-ce que ça lui coûtait ? Juste cinq secondes.

Après ce débat intérieur, le jeune homme se décida d’aller jusqu’à la porte pour demander :

- Excuses-moi, c’est quoi ton prénom déjà ?

Car ne pas mettre un nom sur un visage, finalement ce n’était pas très pratique. Peut-être qu’ensuite il irait se coucher aussi en attendant l’heure de manger.

Au moins avait-il son prénom. Imraan se dit que cette façon de faire était un peu excentrique, agir à retardement mais il ne se souciait pas spécialement de ce que l’on pensait de lui. Un étranger, quelqu’un de bizarre… Qu’importait. Voilà, l’Heliohapt avait tenté d’être sociable, peut-être pour faire plaisir à son ami décédé en quelque sorte. Puisque plus aucun son ne lui parvenait de la chambre, il retraversa le couloir en sens inverse après avoir eu cette information, qui ne lui surement pas utile. Imraan entra dans sa chambre provisoire, contenant le strict nécessaire. Ne sachant que faire pour s’occuper, il se mit au lit directement, tâchant de faire le vide dans son esprit et se concentrant sur ce que pourrait être sa journée du lendemain. Saeed le ferait il cherché ? Ce noble prétentieux avait oublié de lui donner un point de rendez-vous mais ils savaient tout deux qu’ils se retrouveraient au port au bout d’une semaine. Espérons que son maître ait le bon sens de s’y rendre le lendemain.

Sur ces pensées pas forcément réjouissante – ce faire appeler « machin » n’était pas ce qu’il préférait même si au fond il s’en fichait – Imraan somnola puis s’endormit. Comme d’habitude il dormait mal, hanté jour et nuit par le souvenir de son amant disparu. Akeem ne quittait pas son esprit. Le pire pour Imraan était de se réveiller et de retourner à la réalité où il ne se trouvait pas dans ses bras. Mais pour le moment l’Heliohapt dormait, rêvant encore au fait de supplier le fils de marchant pour ne pas qu’il aille dans ce maudit donjon, s’agitant parfois dans son sommeil.