Quand t'es dans le désert... depuis trop longtemps [ P.V Ayame]

Désert Central - Midi

La chaleur était intenable et pas un coin d'ombres à l'horizon. Que du sable, du sable et encore du sable et ce à perte de vue. Une mer, un océan de sable!

Pourtant Eris avançait bravement , transpirant à grosse goûte sous sa cape sombre qui lui masquait le visage. Mais la saltimbanque ne se plaignait pas. elle était habituée. Cette chaleur , elle la connaissait et avait appris à la supporter depuis son plus jeune âge. Mais était ce le cas de la personne qui la suivait comme son ombre depuis deux heures?

Curieuse , la fille du désert jeta un coup d’œil par dessus son épaule vers son "garde du corps" , la guerrière de l'empire Kou répondant au nom d'Ayame. Mais rapidement la demoiselle détourna la tête pour de nouveau fixer l'horizon qui dansait à cause de la chaleur. Un frisson la parcourut. Brrrr. Eris n'était pas sûre d'être si ravie que ça d'être accompagnée de la terrible fanalis. Il faut dire que leur première rencontre c'était plutôt mal passé.

La toute nouvelle conquérante de donjon qu'était alors la rouquine avait été envoyé par son crétin de djinn directement au cœur de l'empire Kou. Et plus particulièrement dans les jardins impériaux. Difficile alors pour Eris d'expliquer ce qu'elle y faisait , entourée de sac remplis de trésor. Et comble de malheur, il avait fallu qu'elle tombe sur cette femme à la mine terrible et à l'épée acérée comme des rasoirs.

Rien que d'y penser , la demoiselle sentit ses genoux faire des castagnettes et inconsciemment , elle pressa le pas , le long des dunes de sable chaud.

D'ailleurs que faisait donc là ces deux jeunes femmes? Et bien pour le cas de l'ancienne voleuse , c'était pour tenir une promesse. Elle avait promis de rapporter au plus tôt la preuve que le désert de Quishan pouvait avoir de l’intérêt pour l'empire de Kou. En échange , la porteuse de djinn espérait recevoir ces terres en gérances de la part du premier prince de l'empire et surtout un soutien militaire afin de pouvoir établir son propre royaume et devenir reine.

Car oui , la fille des sables avait bien réfléchit à ce qu'elle voulait et ce que signifier le fait d'avoir été choisie par Andromalius. Alibaba et Naya lui avait ouvert les yeux puis Himiko lui avait fait comprendre qu'elle devait cesser de penser à sa petite personne pour voir les choses en grand et agir pour le bien commun. Et l'endroit où elle semblait pouvoir faire le plus de bonnes actions étaient sur ces terres désolées et arides qui pourtant abritaient de nombreuses formes de vie et de richesse.

D'ailleurs , au détour d'une montagne de sable, apparut l'une d'entre elle.

A moitié recouvert de sable , un temple antique offrait son entrée à qui serait assez téméraire pour y rentrer. Eris s’arrêta pour observer ses colonnes de marbre blancs , polies par le temps et le vents qui avaient été sculptées à flanc de collines. Des siècles d'érosion n'avaient pas réussi à faire totalement disparaitre les statues des créatures mystiques qui en gardaient l'entrée noire comme un four.

La saltimbanque se tourna vers sa compagne:
" Nous y voici."

Eris sursauta quand la voix de la fanalis résonna dans son dos.

"- Tu m’impressionnes sur ce coup. Je ne m'attendais pas à ce genre de chose en venant ici."

L'ancienne voleuse tourna un regard craintif vers la guerrière. Était-ce ironique? L'avait elle déçu? Non, sa compagne semblait vraiment intéressée par l'entrée de l'immense bâtiment. Elle s'avança vers les colonnes immenses comme pour mieux les juger.

Mais si la subordonnée de Kouen était curieuse , elle était prudente aussi:

"- Je suppose qu'il faut l'explorer non ? Un conseil, tu ne devrais pas trop t'éloigner de moi, on ignore ce qu'il y a de l'autre côté et je ne voudrais pas rentrer au palais sans toi. "

Eris hocha de la tête et suivit la terrible combattante:

"- Oui, nous allons entrer dedans. Je pense qu'il y a des choses qui pourrait intéresser Monsieur le premier prince."

La demoiselle eut une hésitation. D'ailleurs , est ce vraiment comme ça qu'on devait l'appeler. la pauvre adolescente était toujours aussi perdue dans les subtilités du protocole.
Voulant cacher son trouble, elle poursuivit bravement, s'avançant dans l'ombre presque fraîche du temple:

"-Normalement , il ne devrait pas y avoir de danger. Les gens des oasis voisines craignent ses lieux. Ils disent qu'ils sont maudits. Donc , on ne devrait y voir personne. Même les bandes de voleurs et les marchands d'esclaves font des détours de plusieurs kilomètres pour ne pas passer à proximité."

Eris repoussa sa capuche ( elle ne lui servait à rien , le soleil n'atteignait jamais si loin dans le bâtiment) puis elle farfouilla dans son sac et alluma deux torches avant de lever timidement ses yeux émeraudes vers la femme à la chevelure flamboyante:

"Faites tout de même attention. Certaines salles sont piégées et c'est un vrai labyrinthe. On peut facilement s'y perdre. Donc je pense que vous aurez autant besoin de mes talents que moi de votre protection."

La conquérante de donjon se mordit la langue. Aie , comme d'habitude , elle avait dit le fond de sa pensée sans même réfléchir. Peut être que ça avait vexé la farouche fanalis?

La fille du désert tenta un sourire timide



"

Un lourd silence suivit les dires de la fille du désert.

Eris se mordilla les lèvres, anxieuse. Bon sang ! C’était sûr, elle avait définitivement fâché la terrible fanalis. Ne pouvait-elle donc pas apprendre à tenir sa langue plutôt que de bavasser à tort et à travers ? Pourtant, Scipion lui avait bien dit et répété quand elle était petite. Mais c’est vrai que la gamine n’avait pas trop porté attention à ses dictons d’un autre temps et pourtant amplis de sagesse.
Pourtant, aujourd’hui la voix du vieux saltimbanque murmurait encore ses préceptes au creux de son esprit: «  la parole est d’argent le silence est d’or » «  Gamine, avant de parler, tourne toujours sept fois la langue dans ta bouche dans un sens. Et en cas de doute, n’hésites pas à refaire la même chose dans l’autre sens. » «  Il y a bien une raison au fait que tu es deux oreilles et qu’une seule langue. Alors sers toi plus des premières plutôt que d’user à tords et à travers la deuxième », etc… etc…

Décidément, l’adolescente n’apprendrait jamais de ses erreurs.

C’est la voix de la femme aux cheveux de feu qui la tira de ses pensées :
« - Merci de tes conseils. Je pense pouvoir m'en sortir seule mais je ne vois aucun problème à exploiter tes talents pour avancer plus vite. Terminons vite ce travail que je retourne au palais. »

Sa compagne n’avait pas parlé fort, mais Eris avait bien failli sauter au plafond de surprise. L’adolescente avait pris sur elle pour se retenir de s’enfuir de peur, mais son sursaut n’avait pu échapper à la soldate. Qu’elle image pathétique elle devait donner.
Mais comment faire ? Malgré ses bonnes résolutions et les bons conseils d’Alibaba , l’ancienne voleuse savait qu’elle était irrémédiablement une poltronne. Il suffisait de se remémorer ce qui c’était passé sur ce marché à Sindoria. Pas autant que… non il ne fallait pas repenser à cela. Il fallait avancer. Et la fanalis l’y aida :
«- Je t'écoutes. Que devons-nous chercher ici ? »

Le cœur encore battant à la chamade, Eris expliqua d’une voix un peu chevrotante :
« D’après ce que j’ai entendu dire, on pouvait trouver dans ces anciennes ruines des textes antiques écrits dans un langage inconnu. Je pense que cela doit être le même type de dialecte que celui qu’on voit dans les donjons ou usité par le peuple Tran. Cela semble beaucoup intéressé… »

De nouveau la demoiselle du désert se retrouva face au dilemme de comment nommer le prince Kouen. Comme sa compagne n’avait pas fait de remarque sur la première version utilisé, Eris décida de continuer à l’appeler à l’identique en espérant que l’appellation soit correct :
« … Monsieur le premier prince." »

Tout en parlant, la saltimbanque avait repris son chemin, avançant avec précaution et observant le dallage avec attention. Soudain elle se figea. A la lumière des torches, elle avait détecté un carreau différent des autres. Il était légèrement au-dessus du niveau du sol comme s’il servait à actionner un bouton ou un piège. Elle le signala à la guerrière d'un geste.